Méthode de soins: L’humanitude

Publié le 25/09/2015 à 08h33 (mise à jour le 15/012017 à 10h34)

Créée voici 30 ans, l’humanitude est une petite révolution dans le monde de la gériatrie. Inventée par deux anciens profs de gym, Yves Gineste et Rosette Marescotti, cette méthode propose une autre approche des soins dispensés aux seniors. Le but : les réhabiliter dans leur dignité et améliorer les relations entre patient et soignants.

Si l’on a fini par admettre que le bébé était une personne à part entière, il reste encore un long chemin à parcourir pour les plus âgés d’entre nous, souvent affaiblis et parfois mal considérés, voire maltraités. L’humanitude fait partie des méthodes utiles pour une meilleure considération des personnes âgées et de leurs besoins.

Un regard déshumanisé sur les personnes âgées

Tout ce qui construit l’être humain dès son plus jeune âge – le regard, la parole, le geste tendre – est trop fréquemment refusé aux personnes âgées. « Celles-ci ne reçoivent en moyenne que 100 à 120 secondes de paroles par jour et 10 secondes de regards » s’indigne Yves Gineste. « Et encore : il s’agit de regards balayeurs, qui ne fixent pas mais réduisent au néant ».

Certaines personnes se replient alors sur elles-mêmes et deviennent grabataires, tandis que les autres peuvent adopter des comportements de résistance ou d’agressivité. Forts de ce constat, Yves Gineste et sa compagne, Rosette Marescotti, ont créé une méthode de soin : l’humanitude. « Il ne s’agit pas seulement de traiter les personnes âgées avec humanité, explique Yves Gineste, mais de les réhabiliter dans ce qu’elles possèdent de typiquement humain ».

Les quatre piliers de l’humanitude

Cette méthode de soin repose sur un changement global de comportement des soignants :

  • Le regard  : Il doit s’échanger face à face, les yeux dans les yeux, à hauteur du visage ;
  • La parole  : Elle doit annoncer et expliquer chaque geste ;
  • Le toucher  : Il s’agit de transformer le « toucher utilitaire » en « toucher tendresse » ;
  • La verticalité  : Exit les toilettes effectuées au lit et les patients qui ne quittent plus leur matelas. Pour Yves Gineste, une personne âgée correctement accompagnée peut et doit vivre debout. La verticalité est l’une des caractéristiques qui nous distingue des animaux, d’où l’importance de lever la personne.

La mise en œuvre de ces 4 préceptes doit permettre une meilleure écoute et une amélioration des soins, à condition bien sûr d’agir en fonction des situations et des personnes.

L’indispensable individualisation des soins

Une fois les bases acquises, le soignant doit s’adapter à chaque patient. Plus question alors de timing. On intervient lorsque la personne le souhaite. On est davantage à l’écoute de ses désirs et des besoins. On apprend à connaître son histoire. « Cela ne demande pas davantage de temps » souligne Yves Gineste, « car même si l’on prend 30 ou 40 secondes pour faire des préliminaires aux soins, on a ensuite quelqu’un dont il est extrêmement facile de s’occuper ».

Une méthode qui a fait ses preuves

Implantée en France, en Suisse, au Bénélux au Canada et dans les DOM, l’Institut Gineste-Marescotti dispense des formations à l’ensemble du personnel médical. En France métropolitaine, plus d’un millier d’établissements ont fait appel à eux et la liste d’attente est longue. Afin d’apporter une caution scientifique sur les bienfaits de l’humanitude, une étude a été réalisée sur 111 femmes âgées de 67 à 101 ans qui présentaient une démence de type Alzheimer et résidaient en établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Dans chaque cas, il s’agissait de mesurer les réactions lors de la toilette – moment le plus délicat – avant et après la formation des soignants aux techniques de l’humanitude.

Résultat : dans 83 % des cas, les soins habituellement difficiles ont été améliorés de façon importante (43 % « mieux ») ou très importante (50 % « beaucoup mieux »). Alors que près de la moitié des patientes donnaient des coups, dont 23% avec une intensité forte ou très forte, après l’application de la méthode 65 % n’en donnaient plus du tout !

Lors de la venue du soignant non formé dans leur chambre, 49% des patientes n’exprimaient aucune réaction, éprouvaient une inquiétude ou exprimaient une opposition.Après la formation du soignant aux techniques de l’humanitude, non seulement 80 % acceptaient sa venue, mais exprimaient leur plaisir en offrant un visage détendu et souriant. Enfin au sein des unités où a été présentée cette méthode, le taux de maintien permanent au lit a chuté de 60 % et la prise de médicaments a baissé dans 70 % des cas !

L’humanitude a donc fait ses preuves, tant pour le bien-être des patients que des soignants. Yves Gineste et Rosette Marescotti ont d’ailleurs été salués comme des pionniers en juin 2008 lors de la présentation de ces résultats par Valérie Létard, Secrétaire d’Etat à la Solidarité. Un nouveau pas vers une prise en charge plus humaine de nos seniors ?


Comme vous l’avez vu, l’humanitude est un magnifique concept qui fait rêver. Cependant, certaines structures se labellise « Humanitude » pour mieux attirer leurs clients alors qu’elles ne l’utilisent pas, même bien au contraire. Beau coup de pub qui fait vite déchanter.

Sophie Lattion           webmaster éditoriale


Auteur

Karine Touboul

Créé le 14 avril 2009

Sources :

La Revue de Gériatrie, supplément de Juin 2008,  colloque sur les approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer : « Evaluation de la Méthodologie de soin Gineste- Marescotti, dite humanitude, lors de formations in situ », dont un extrait est disponible en ligne sur le site d’Agevillage.com, organisateur de ce colloque.