Aveuglément…

Publié le 07/01/2014 à 22h46 (mise à jour le 01/07/2018 à 14h47)

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Vignette

Chambre 21 côté porte →douche le lundi. Chambre 21 côté fenêtre →douche le mardi. Chambre 22 → douche le vendredi. Etc…

Voilà une organisation bien ficelée! Pourtant, lorsque le bénéficiaire de soins (Bds) est souffrant, algique ou même en fin de vie, un.e professionnel.le de la santé compétant n’a-t-il pas le rôle de réévaluer la situation de soins en fonction de son état de santé?

J’ai délibérément « baigné » la Bds dans des cailloux pour exprimer le mal être qu’elle doit ressentir. Le soignant a les yeux bandés pour décrire son manque de Savoir être, Savoir faire et Savoir agir. Sa grandeur par rapport à celle de la Bds, raconte la force du pouvoir sur une personne vulnérable.

Mais il arrive aussi que le soignant, croyant bien faire, effectue une douche ou une toilette complète à un Bds afin d’avoir la satisfaction d’un travail et d’un devoir accomplis.

Webmaster éditoriale       Sophie Lattion, présidente de l’Association          Tous droits réservés ©

Le sens du soin

Publié le 07/01/2014 à 22h59 (mise à jour le 01/07/2018 14h56)

puzzle_pieces_house_teamwork_400_wht1Si le sens c’est donner une direction, selon la définition du dictionnaire, le sens du soin donné par les soignants aux personnes âgées ne peut se comprendre que dans une approche systémique.

Les repères

Le sens du soin dépend de repères juridiques relatifs aux droits des malades et à la qualité du système de santé et déontologiques (règles professionnelles), de chartes (charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante), et de recommandations des sociétés savantes.

La référence aux principes fondamentaux

Le sens du soin repose sur des principes fondamentaux de dignité, d’autonomie et de bienfaisance.

Le respect de la dignité de la personne humaine n’est possible que dans une relation humaine basée sur la reconnaissance de l’autre.

Selon Marie-Françoise Collière, le respect de la dignité repose sur un certain nombre de principes: se méfier de ses à priori et replacer les différences dans leur contexte culturel. Il s’agit aussi d’être plus attentif aux préjugés, aux interprétations hasardeuses et de ne pas tout rapporter à un seul système de référence (le nôtre en l’occurrence). Le respect de l’autre se conçoit dans une attitude de non-jugement, c’est ainsi prendre soin de la façon dont on parle de lui au cours de nos réunions. C’est aussi maintenir le tissu social et renforcer les liens familiaux afin d’optimiser les relations par la participation des familles dans un climat de confiance.

Si la mission fondamentale des soignants est de convaincre le patient de l’utilité des soins, respecter la personne n’est pas exercer un pouvoir ou une influence, mais bien chercher à favoriser tout ce qui peut stimuler le désir de vivre et le rendre possible. C’est donner une information claire, dans un langage adapté, et accepter que le malade donne ou non son consentement sur le choix et les décisions qui le concernent, mais aussi accepter sa capacité à refuser les soins.

Le respect des libertés de la personne âgée passe par la suppression de toute contrainte non justifiée (contention, isolement) et par la facilitation de la liberté d’aller et venir de la personne.

Les soignants doivent oser parler, dire leur désaccord, signaler toute maltraitance. Il s’agit de transmettre un acte, un comportement, une conduite qui nous dépasse ou qui nous concerne, car l’on n’est pas seulement responsable de ce que l’on fait mais aussi de ce que l’on ne fait pas ou ne dit pas.

Soigner, c’est respecter la vie: soulager la souffrance, contrôler la douleur en prenant le temps d’observer et d’écouter la personne âgée. C’est éviter tout acharnement ou tout abandon thérapeutique. C’est accompagner la personne âgée en fin de vie et sa famille dans le respect de leurs valeurs, de leurs croyances et de leurs volontés.

Soigner, c’est donner du sens aux gestes, aux actions, par le toucher ou le regard. Il s’agit d’établir un lien entre la personne soignée et l’action qui lui est destinée, et de chercher les conditions qui vont permettre aux actes posés d’être utiles, bénéfiques et aidants…

L’exigence de la compétence

Méconnu, le rôle des soignants auprès des personnes âgées malades a longtemps été considéré comme un travail facile requérant peu de savoir-faire et d’aptitudes. Le sens du soin exige non seulement des professionnels qualifiés mais aussi des professionnels volontaires, motivés, formés à la spécificité et à la complexité du soin gérontologique.

Les conflits de valeurs des soignants

Le sens du soin tient compte de l’existence ou non des conflits de valeurs des soignants: conflits de valeurs personnelles, dilemmes éthiques (comment concilier sécurité et liberté?) et confrontation entre un idéal et une réalité quotidienne (comment assurer le bien-être de tous les malades?).

La participation des soignants au processus décisionnel

Si la référence aux lois, aux codes déontologiques, aux chartes nous sert de guide, elle ne nous donne pas pour autant de recettes « toutes faites ». L’équipe pluridisciplinaire doit se concerter afin d’apporter une réponse individuelle à chaque situation, réponse qui devra être la meilleure – ou la moins pire – pour le patient après une évaluation des risques et bénéfices. Si le médecin a la responsabilité de la prise de décisions, ce sont les soignants qui vont les appliquer. Le sens du soin sera fonction de la participation ou non des soignants au processus décisionnel.

L’implication des soignants

Les soignants impliqués le font en respectant les principes de bienfaisance et de non-malfaisance, dans un engagement professionnel et avec le sens de la responsabilité professionnelle et compassion.

Les non-sens

Le sens du soin peut se perdre quand les soignants sont confrontés à la pénurie d’effectif, au manque de disponibilité, lorsque des organisations de travail sont inadéquates ou encore lorsque l’architecture des locaux n’est pas adaptée à la personne âgée.

La considération des soignants

Le sens du soin est aussi fonction du respect et de l’attention portés aux soignants. Le climat de confiance est fondé sur le partenariat et la considération des soignants. L’écoute et le partage des avis ou opinions de chacun permettent de donner, dans la tolérance, du sens aux soins.

Conclusion

La primauté du sens du soin appartient à la personne soignée et à ses proches. Comme le soulignait Marie-Françoise Collière, c’est

Le malade et sa famille qui détiennent les repères indicateurs de sens de l’orientation et de la limite des informations à partager.


Auteur

Marie-Françoise Collière (1930-2005) a été une grande dame de la profession infirmière reconnue mondialement pour son expertise.

En tant que historienne, pionnière et militante de la cause des femmes soignantes et des soins, elle n’eut de cesse comme soignante de tirer la profession infirmière vers le sens premier des soins à savoir : accompagner en prenant soin de la vie dans toute situation de santé, de la naissance, passant par la maladie, l’accident et la vieillesse jusqu’à la mort.

Article consulté  « Le sens du soin en gériatrie » soins gérontologique n°52 Mars/avril 2005 Auteur Patricia Michot, cadre supérieur expert, membre du Collège des soignants.