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Publié le 07/05/2014 à 22h30 (mise à jour le 01/07/2018 à 20h29)

Suicide personnes âgéesTous droits réservés ©
Suicide personnes âgéesTous droits réservés ©

Vignette

Cette situation représente un bénéficiaire de soins (Bds) privé de ses affaires personnelles. Pourquoi? à cause de qui? Parce qu’il n’est pas ordré?  Parce qu’il ne respecte pas le travail des intendantes? Parce que les soignants.e.s ne trouvent pas ses chaussettes?

De quel droit et de quel pouvoir une autorité (in)compétente se permettrait de donner l’ordre de trier, de jeter ou de cadenasser une armoire, une commode, ou un frigo? Le faire sans explication ni présence/participation du Bds peut être perçu comme un coup de poignard dans le dos. Nous pouvons nous demander à qui le désordre dérange-t-il?

J’ai également décidé, tout au long de la construction de la boîte conceptuelle, de représenter  le verrouillage de la porte de la chambre du Bds.

Celui-ci aura ensuite des conduites défensives qui risquent d’entrainer une contention chimique ou mécanique ainsi qu’une réaction de fuite face à lui et dans le pire des scénarios, le conduire au suicide.


Webmestre éditorial              Sophie Lattion, présidente de l’association. Tous droits réservés ©


Le suicide des personnes âgées

Publié le 07/05/2014 à 22h30 (mise à jour le 01/07/2018 à 14h45)

Les raisons qui incitent des personnes âgées à se suicider sont multiples, aussi bien personnelles que contextuelles. Les proches et les soignant·e·s peuvent participer à la prévention. Par Dolores Angela Castelli Dransart.

Suicide personnes âgées

Si les comportements suicidaires ou les suicides avérés des jeunes bouleversent et font parler, voire mobilisent, il n’en va pas de même pour les suicides des personnes âgées qui sont souvent ignorés, voire banalisés. « Il/elle a déjà fait sa vie. » « Il/elle allait de toute manière mourir. » Les personnes âgées se suicident pourtant plus que les jeunes en nombre absolu et en taux.

En effet, sur les 1037 décès par suicide en Suisse en 2012, 406 (39.15%) étaient des personnes âgées de plus de 60 ans et 36 étaient des jeunes jusqu’à 19 ans (3.47%). A cela, il faut ajouter les 423 suicides assistés (83.26% du total des 508 suicides assistés) de personnes de plus de 65 ans (OFS, 2014).

La prévention du suicide des personnes âgées est particulièrement complexe pour différentes raisons. La défaillance, la fragilité ou la dépendance font généralement peur et une partie grandissante de la population les considère comme une atteinte indésirable voire insupportable à l’image de soi et à sa dignité. Ce principe, du moins dans le sens commun, est en train de se transformer : de propriété intrinsèque de l’être, la dignité est désormais comprise comme un ensemble de conditions qui doivent être réunies (qualité de vie, autonomie, etc.) pour qu’elle soit effective. Dès lors, le suicide, et en particulier le suicide assisté, sont de plus en plus souvent perçus comme une alternative socialement acceptable d’éviter les atteintes du grand âge.

Le contexte économique et le déni

Des enjeux politiques et économiques sont susceptibles de jouer un rôle de frein à la prévention du suicide. En effet, l’augmentation des coûts de la santé et le vieillissement de la population en même temps que la diminution du rapport entre personnes actives et personnes retraitées posent des défis économiques et financiers de taille à notre société. Ces éléments ne sont peut-être pas étrangers à l’acceptation sociale élevée, voire parfois à la valorisation du suicide des personnes âgées. Certains auteurs postulent que cela pourrait même les encourager à passer à l’acte (Charazac-Brunel, 2014).

Ensuite, les personnes âgées étant souvent plus dépendantes de leur environnement et de leurs conditions de vie que d’autres groupes d’âge, la prévention du suicide doit s’attacher également à créer de bonnes conditions de vie (friendly environment), ce qui requiert des interventions non seulement différenciées mais également structurelles.

Le suicide des personnes âgées est difficile à prévenir en raison aussi des dynamiques de déni et d’impuissance qu’il soulève auprès des familles et des professionnel·le·s : appréhender et répondre à l’angoisse et à la peur de la dégradation ne va pas de soi, tant ces manifestations sont susceptibles de faire écho chez l’autre. Offrir des alternatives valables au suicide ou trouver des moyens pour diminuer la souffrance physique et psychique expérimentée par la personne sont aussi des défis de taille.

A cela s’ajoute le fait que les troubles de santé mentale de la population âgée sont largement sous-estimés, sous-diagnostiqués et sous-traités. Ceci non seulement en raison des stéréotypes en lien avec la vieillesse (il est considéré normal pour une personne âgée d’être apathique, triste, désinvestie) qui font obstacle aux interventions professionnelles, mais également par manque de ressources et de formation des professionnel·le·s. Or les troubles de santé mentale, en particulier les troubles de l’humeur, sont souvent correlés à la suicidalité.

Enfin, même si les tentatives de suicide des personnes âgées sont moins fréquentes, elles aboutissent plus souvent à la mort que celles des jeunes.

Il n’est pas rare que le suicide de la personne âgée s’enracine dans un sentiment d’absence de sens, de lien et de contenant collectif. La volonté de se soustraire à la souffrance physique et/ou psychique, ou à ce qui est ressenti comme une déchéance, est souvent le moteur du passage à l’acte. La dynamique suicidaire chez la personne âgée se manifeste par un mouvement de désinvestissement d’activités physiques et psychiques dans les différentes sphères de la vie, un évitement de la vie puis une réorientation de l’énergie sur les représentations de mort (Charazac-Brunel, 2014). « A l’extrême, la représentation de l’acte de mourir devient une projection dans le futur d’une naissance, d’une re-naissance. Ainsi, mourir devient une « délivrance » et faire naître revient à « donner la mort » (Charazac-Brunel, 2014, p. 29).

Les multiples facteurs de risque

Plusieurs facteurs de risque contribuent à engendrer un processus suicidaire (Charazac-Brunel, 2014 ; Lapierre et al. 2011) : le statut matrimonial ou l’âge, des troubles de santé mentale, la présence d’une maladie somatique grave ou chronique avec des douleurs physiques constantes et une souffrance psychique intense. Des incapacités fonctionnelles ou des pertes d’autonomie significatives, la présence d’antécédents personnels ou familiaux de comportements suicidaires, des tensions ou des conflits familiaux voire interpersonnels importants, ainsi qu’un soutien familial ou social insuffisant ou encore l’isolement sont également des facteurs de risque importants. La cumulation des pertes matérielles ou symboliques, la présence de problèmes financiers ou de soucis à cet égard, peu de reconnaissance sociale et d’estime de soi en sont aussi. Les périodes de transition (retraite, déménagement en EMS, dépendance), le sentiment de ne plus avoir de contrôle sur sa vie ou sur les décisions essentielles, ainsi que le sentiment de désintégration psychique et/ou de perte de dignité figurent parmi les déclencheurs les plus récurrents.

Parmi les facteurs de protection, être en lien et pouvoir donner du sens à ce que l’on vit et à sa trajectoire de vie sont déterminants (Mellqvist Fässberg et al. 2012), ainsi que le sentiment de confort. Plus particulièrement, l’investissement affectif de la famille, en particulier des petits-enfants, des amitiés ou encore des connaissances du quotidien (tels que les profesionnel·le·s par exemple) jouent un rôle important, tout comme la valorisation personnelle et sociale de la capacité de transmission (pouvoir transmettre des savoir-être et des savoir-faire en lien avec le fait d’être un humain). La pratique religieuse ou spirituelle, savoir rechercher et accepter de l’aide, ainsi que l’engagement dans des activités qui ont du sens pour la personne sont également protectrices, tout comme la présence d’un soutien formel (professionnel) et informel adapté et respectueux.

Pour les personnes les plus atteintes dans leur santé, des soutiens et des soins adaptés, qui permettent de contenir ou de pallier au processus de fragilisation ainsi que de faire face à la souffrance physique et psychique sont fondamentaux. Les soins palliatifs jouent un rôle important à cet égard.

Les pistes pour la prévention

La prévention du suicide parmi la population âgée devrait intervenir aussi bien au niveau universel (population générale), que sélectif (populations à risque telles que les personnes âgées déprimées), ou qu’indiquée (individu suicidaire) (Erlangsen et al. 2011). Une méta-analyse des programmes conduits et évalués montre (Laperrière et al. 2011) que la prévention du suicide auprès de la population âgée est possible et efficace et ceci d’autant plus si les offres sont personnalisées et si elles articulent différents domaines (social, santé, habitat, communauté-collaborative care) et niveaux individuels, professionnels de soutien et légaux (Laperrière et al. 2011).

Erlangsen et al. (2011) et Conwell (2013, communication IASR 2013) suggèrent les axes de prévention suivants : améliorer l’identification et le soutien des personnes âgées suicidaires, offrir des soins en santé mentale pour les personnes âgées qui soient efficaces, accessibles, acceptables et coordonnés, offrir des opportunités susceptibles d’augmenter les liens intergénérationnels et le sentiment d’appartenance, augmenter les possibilités de fonctionnement autonome en développant, par exemple, les in-home technologies. Le groupe de travail « Vieillissement » de la section « Santé Mentale » de Public Health Suisse (2011) suggère d’améliorer la conduite de la politique sanitaire, de former les professionnel·le·s de la santé et du social ainsi que les bénévoles de la relation d’aide à la prévention du suicide, de sensibiliser et informer la population à ce sujet et d’intégrer la santé mentale dans l’offre des soins existant pour les personnes âgées.

En l’état, aucun programme de prévention du suicide spécifiquement orienté vers la personne âgée n’a été mis en place au niveau fédéral ou cantonal en Suisse, même si des initiatives ponctuelles existent. La stratégie nationale en matière de soins palliatifs a été reconduite pour les années 2013-2015. Elle a été présentée comme un axe de prévention du suicide assisté. Toutefois, cette stratégie est susceptible de concerner les personnes suicidaires en phase terminale ou bénéficiant de soins palliatifs. Qu’en est-il des personnes âgées suicidaires qui ne sont pas dans ce cas de figure ? Dès lors, il est nécessaire de proposer des mesures à même de soutenir en général les personnes âgées suicidaires. Avec l’évolution démographique, les professionnel·le·s seront très probablement confronté·e·s plus fréquemment à des personnes vieillissantes suicidaires vivant des situations complexes. Dès lors, il est indispensable de donner les moyens aux professionnel·le·s d’accompagner ces personnes avec compétence et humanité entre autres par des formations spécifiques et la mise à disposition de ressources adéquates.


Auteur

Dolores Angela Castelli Dransart, Ph.D., professeure, Haute Ecole fribourgeoise de Travail social, Givisiez

Article consulté sur http://www.reiso.org