Publié le 07/05/2014 à 13h38 (mise à jour le 06/11/2017 à 9h50)

Résumé

« Les personnes vulnérables sont celles dont l’autonomie, la dignité, et l’intégrité sont menacées ». Sur la base de cette définition éthique de la vulnérabilité, quatre grands facteurs de risque de vulnérabilité chez la personne âgée sont identifiés dans cet article : la dépendance fonctionnelle, la perte de l’autonomie, la précarité sociale et la limitation de l’accès aux soins.

 « La misère d’un enfant intéresse une mère, la misère d’un jeune homme intéresse une jeune fille, la misère d’un vieillard n’intéresse personne. 

                             Victor Hugo « Les misérables », 1862

Introduction

« Les personnes vulnérables sont celles dont l’autonomie, la dignité, et l’intégrité sont menacées ».Sur la base de cette définition éthique de la vulnérabilité, on peut considérer que les personnes âgées, confrontées aux maladies chroniques invalidantes, au déclin fonctionnel et à la perte de rôle social, sont à risque de devenir vulnérables. Néanmoins, les personnes âgées ne vieillissent pas de manière uniforme et toutes ne sont donc pas confrontées à la vulnérabilité. Cet article tente de mettre en évidence les facteurs de risque associés à la vulnérabilité chez les personnes âgées et propose quelques pistes d’interventions pour prévenir ou diminuer cette vulnérabilité.

Facteurs de risque de vulnérabilité chez les personnes âgées

Schématiquement, quatre grands facteurs de risque peuvent être identifiés (figure 1).

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Dépendance fonctionnelle

La dépendance fonctionnelle est définie par une incapacité à réaliser des activités physiques ou mentales nécessaires à la vie quotidienne (AVQ).

En Suisse, 10% des personnes de plus de 65 ans et 20% de celles entre 75 et 94 ans, ont besoin d’aide pour effectuer au moins une AVQ de base (telle que se laver ou s’habiller).

Les pathologies les plus prévalentes associées à la survenue de la dépendance fonctionnelle sont les pathologies cardiovasculaires, les accidents vasculaires cérébraux, les fractures de hanche, l’arthrose et les troubles cognitifs. La dépendance fonctionnelle engendre une dépendance à autrui, et en particulier au soignant.Or, l’accès du soignant à l’intimité de la personne (nudité lors de la toilette, gestion d’une incontinence urinaire ou fécale par exemple), de même que la profonde asymétrie de la relation soignant-soigné en termes de connaissance et de pouvoir, peuvent porter atteinte au sentiment de dignité et d’intégrité de la personne, la rendant vulnérable au sens de la définition éthique proposée plus haut.

Le patient, en position de dépendance, ne peut que mettre sa confiance dans la bienfaisance du soignant. Cette situation engendre donc une responsabilité éthique et sociale du soignant qui a l’obligation morale de maximiser les effets des actes médicaux sur le bien-être de l’humain (bienfaisance) et de minimiser les effets délétères de ces actes (non-malfaisance).

Perte de l’autonomie

L’autonomie est la capacité à choisir de son propre chef, sans se laisser influencer par une autorité extérieure. La perte de son autonomie rend la personne vulnérable, en la privant de la faculté d’agir par elle-même, et en lui imposant des décisions prises par autrui. La perte de la capacité de discernement, en particulier, prive la personne de l’exercice de son droit à l’autonomie. Bien qu’il n’existe pas de pathologies invariablement associées à l’incapacité de discernement, les troubles neuropsychiatriques, en particulier démence et dépression majeure, sont associés à un risque accru de perdre sa capacité de discernement. Cette capacité dépend de la sévérité de l’atteinte cognitive ou dépressive, ainsi que de la complexité de la question posée au malade.

La perte de l’autonomie peut également résulter, y compris en l’absence de déficits cognitifs, d’une atteinte liée à l’expérience de la maladie. La perte de contrôle sur soi, l’isolement profond, la dépendance à l’égard des autres, la crainte de la mort, et la perte des cadres de référence habituels (lors d’une hospitalisation par exemple), sont autant de facteurs qui peuvent porter atteinte à l’autonomie de la personne malade.

Précarité sociale

La précarité sociale de la personne âgée en Suisse touche principalement deux domaines : l’isolement social et la pauvreté.

L’isolement social est associé à une qualité de vie et une santé physique et mentale moins bonnes. Chez les personnes âgées, l’isolement social est en particulier un facteur de risque indépendant d’inactivité physique et augmente de près de 60% le risque de devenir inactif sur un suivi de deux ans. En Suisse, près de 5% de la population est âgée de plus de 80 ans. Ce chiffre va augmenter de manière considérable ces prochaines années en raison du vieillissement démographique. Dans cette tranche d’âge, près de 42% des hommes et 87% des femmes vivent seuls, le plus souvent suite à un veuvage.

Le soutien intergénérationnel s’est progressivement effondré au cours des dernières décennies en raison de l’évolution démographique et du vieillissement de la population. Les personnes âgées sont donc confrontées à la fois à l’absence de descendants ou à des enfants incapables d’assumer des soins en raison de leur âge avancé et de leur propre état de santé, ou d’activités professionnelle et familiale. Une des conséquences de cette diminution du soutien intergénérationnel est l’augmentation du recours au voisinage pour de l’aide : 24% des personnes de plus de 80 ans bénéficiaires de prestations médico-sociales reçoivent, au moins une fois par semaine, un soutien du voisinage.

La pauvreté, qui peut se définir comme l’impossibilité, due à un manque de ressources, de mener une vie conforme aux attentes et aux valeurs de la société, existe également en Suisse. Environ 3 à 4% des personnes de plus de 65 ans sont considérées comme pauvres (revenu inférieur à 60% du revenu équivalent médian). Ce chiffre s’élevait à 17% en 1990, avant l’introduction des prestations complémentaires (PC) auxquelles ont recours actuellement 12% des plus de 65 ans.

Néanmoins, malgré l’amélioration des conditions financières des retraités, liée en particulier à la mise en œuvre de la Loi sur la prévoyance professionnelle et des PC, 27% des rentiers AVS ont un revenu global inférieur à 2000.–/mois et 50% inférieur à 3000.–/ mois. Les liens entre précarité socio-économique et santé, qui ont été largement étudiés dans la population adulte, restent plus controversés dans la population âgée. L’impact du gradient social sur la survenue de nouvelle pathologie semble en effet décliner avec l’âge, même si de récentes études longitudinales ont pu mettre en évidence la persistance d’un impact sur la survenue du déclin fonctionnel.

La pauvreté et l’isolement social, au-delà de leur impact sur la santé, restent néanmoins des facteurs associés à un risque plus élevé de vulnérabilité, notamment lors-qu’ils sont cumulés à d’autres facteurs de risque.

Limitation de l’accès aux soins

La limitation de l’accès aux soins est également un facteur de risque de vulnérabilité pour la personne âgée dans notre système de soins actuel. Une étude effectuée en 2005 a mis en évidence qu’il existait, en Suisse, un rationnement implicite des soins (notamment de réadaptation et de longue durée pour les personnes avec maladies chroniques) et que les personnes âgées étaient clairement identifiées, tout comme les personnes avec un faible niveau d’intégration sociale, comme un groupe à risque de souffrir d’une limitation d’accès aux soins.


Titre : Vieillir et devenir vulnérable
Type de document : texte imprimé- p.2353-2356
Auteurs : Stéphanie Monod, Auteur ; Annelore Sautebin, Auteur
Année de publication : 2009

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